Discutons entre adultes !

7 min 02 s

Verbatim, résumé et adaptation d’un podcast avec James Altucher, qui se replonge dans le jeu d’échecs après 20-30 ans d’arrêt. Pas d’elo enregistré sur la FIDE avant 2021, mais son niveau actuel (1850) le rend finalement plus accessible que certains joueurs classés 2300-2400 ! Pourquoi parler de ce podcast plutôt qu’un autre ? Tout simplement parce que j’avais déjà évoqué quelques unes de ses idées pour donner du sens à sa vie échiquéenne.

Ben Johnson, le podcasteur (?) se rend compte qu’avec un épisode hebdomadaire à préparer, il n’a pas réellement le temps de travailler sérieusement les échecs. Un peu d’ouverture, un peu de blitz, lecture rapide des livres de ses invités. Au détriment d’un travail de fond sur le calcul par exemple. Ceci dit, James Altucher se demande si travailler la tactique est synonyme d’amélioration, peut-être à petit niveau, mais cela ne suffit certainement pas quand on est avancé dans son parcours échiquéen. James reconnait que, bien qu’il ait joué de nombreux blitz pendant de nombreuses années (ce qui fut sa seule activité aux échecs au cours des dernière décennies), son niveau n’a pas évolué du tout grâce à ça. Il reconnait que lorsqu’il travaillait sérieusement, avec une pointe à 2204, ce fut avec un coach (john Federowicz), plusieurs fois par semaine et surtout sur des variantes d’ouvertures. Enfin il admet que son titre de maitre lui a probablement servi d’ascenseur social et professionnel. (euh, James… je ne vois rien sur ton titre sur le site de la FIDE ?)

La philosophie du plus-égal-moins

James se rend compte que depuis ces 20-30 dernières années beaucoup de choses ont changé, et qu’un joueur classé 2200 en 1990, n’a plus les mêmes compétences qu’un joueur au même niveau en 2020. Les outils informatiques ont fait progresser beaucoup de joueurs. Si la maitrise tactique et les ouvertures sont au top, la compréhension de la position dans une partie sont certainement capable de faire la différence. Une chose n’a pas changé : vous êtes au mieux de vos capacités entre 30 et 50 ans.

Plus : on a besoin d’un mentor, d’un coach qui va nous apprendre quelque chose. Avoir un coach (niveau 2500 !) plus agé que soi apporte beaucoup, notamment sur la compréhension d’une partie.

Égal : s’entrainer avec des joueurs de niveau équivalent (positions, analyses, parties lentes). L’analyse de parties lentes permet de mieux appréhender les subtilités d’une position et de les appliquer au cours d’une partie rapide.

Moins : transmettre son savoir à des personnes moins fortes. On ne comprend bien que ce qu’on est capable d’expliquer.

Woodpecker method : 1 heure de tactique par jour ! Mais cette méthode ne convient pas à tout le monde, à chacun de choisir. A cette méthode de répétition de positions identiques, on peut lui opposer les méthodes consistant à travailler de nouvelles positions (bon… je trouve que l’idée de travailler quotidiennement à la Woodpecker, avec des tests d’évaluation sur Lichess une fois par semaine, serait à explorer)

Il faut tout de même admettre que lorsqu’on rencontre une position au cours d’une partie, et que celle-ci active un processus lié à quelque chose que l’on a déjà vu, cela ne peut être que bénéfique. Lorsqu’on répète plusieurs fois quelques centaines de position, il est évident qu’on ne les retient pas toutes. Mais notre subconscient en retient les mécanismes. C’est en tout cas probablement plus profitable que passer son temps à jouer des bullets.

James évoque « King Indian Warfare » , d’Ilya Smirin (livre indispensable pour les pratiquants de la KID, recommandé pour qui voudrait s’y lancer, intéressant pour tous les autres selon Variantes), la série des « Decision making » de Gelfand et aussi Mauricio Flores Rios avec son « Chess Structures » (le seul qui soit accessible à des joueurs en dessous de 1500-1700 selon la discussion). Ce dernier livre ayant tout intérêt à être travaillé en parallèle avec les parties de Kasparov (par exemple). Les études sur les parties de champions doivent être instructives : pourquoi a-t-il poussé c4 ? pourquoi son coup (non commenté) est-il gratifié d’un point d’exclamation ? il est important d’en retenir la leçon.

S’améliorer nécessite de tout travailler, et pas simplement apprendre des ouvertures par cœur et pratiquer de la tactique 4 heures par jours. Compréhension des ouvertures, types de finales, convertir un avantage, etc.

L’effet bénéfique de ce qui est travaillé ne se voit pas tout de suite. il faut attendre plusieurs mois avant de déceler un léger progrès.

James peut passer 30 à 60 minutes sur une partie, mais en prenant soin de bien noter les concepts qui sont abordés dans celle-ci.

Les ouvertures : l’intérêt de comprendre les orientations d’une ouverture est de pallier au déficit de sa mémoire. Beaucoup de questions à se poser : est-ce une ouverture qui va favoriser l’attaque ? Est-ce que les roques vont être du même coté ? Est-ce qu’il va falloir être incisif dès le départ ou construire lentement son jeu ? Quelle va être la meilleure case pour mon(mes) fou(s) dans cette ouverture ?

Dans le domaine des ouverture, James est conscient que la plupart des coups logiques sont valables pour chaque camp. Et à moins de tomber dans un piège, si on joue les bon coups dictés par les traditionnels principes, on ne peut pas être en retard à la fin de celles-ci.

La notion d’espace, aussi importante soit-elle, ne trouve toute sa valeur que dans des parties de très haut niveau, sans doute beaucoup moins à petit niveau.

James cite une ouverture jouée par Magnus : 1. a4, puis 2. Ta3, etc… ! chaque coup qui s’ensuit a son explication, sauf que l’adversaire (pourtant classé 2700) a du mal a en saisir le sens.

Connaitre le niveau maximum d’un joueur adulte en progression est difficile à estimer. Certains GMI nous disent que 1800 est accessible à tout le monde, d’autre que 2400 avec un peu de travail est faisable ! Reste à définir la quantité de travail et de ce qu’on y incorpore. Travailler les parties de Kasparov c’est bien, mais comprendre comment, par quel processus intellectuel, il est arrivé à une position gagnante est souvent difficile.

Les joueurs passionnés d’informatique pourront se plonger dans « Game Changer : AlphaZero’s Groundbreaking Chess Strategies and the Promise of AI » de Sadler et Regan. Selon leur analyse (et si j’ai bien compris !) AlphaZero stabilise le centre et attaque en poussant le pion h. En face, cela modifie la structure de pions à un moment ou à un autre (le moindre pion du roque qui n’est plus sur sa case de départ met en danger la sécurité du roi), et 50 coups plus tard, la victoire se joue de ce coté. Même chose avec une poussée f2-f4 qui découvre le roi sur la diagonale a7-g1. Une des conclusions à tirer de ce livre est également que le roi est en perpétuel danger au cours d’une partie. En outre, ne jamais négliger un pion passé, fut-il encore sur sa case de départ.

Il serait intéressant de voir comment les GMI exploitent les faiblesses de leurs adversaires. C’est ce genre de détails qui permet de mieux garder un avantage sans avoir une excellente maitrise tactique. Sur ce dernier point, même dans des parties de GMI, les tactiques sont souvent sur quelques coups, ce sont rarement des suites forcées d’une douzaine de coups (Dan Heisman estime qu’une profondeur d’analyse d’un moteur d’échecs sur 2 coups équivaut à un niveau 1600-1800). Les questions à se poser : pourquoi est-ce que j’ai raté une opportunité ou pourquoi est-ce que je l’ai laissée à un adversaire ? En outre, il faut faut bien faire la différence entre faire une gaffe et ne pas voir un coup tactique (bref, il faut surtout devenir moins mauvais que devenir meilleur !)

James ne délaisse pas les vidéos dans son parcours. Il reconnait que certaines chaines sont réellement là pour l’ « entertainment » mais d’autres sont vraiment d’un grand intérêt. Il cite les analyses de Daniel Naroditsky, la série Banter Blitz (Chess24) de Sam Shankland qui ont de bonnes évaluations de position, et aussi les vidéos de Jesse Kraai dont il est l’élève.

Ses cours avec Jesse durent une heure, et consistent essentiellement en des analyses. Pas nécessairement sur une partie entière mais plutôt une position, avec une quinzaine de coups (autant dans ses parties, que dans celles de Kasparov ou d’une partie du tournoi des candidats par exemple). Dans les parties, que James estime avoir bien jouées, Jesse trouve des options nettement plus agressives que le petit coup défensif.

Tout comme certains joueurs mémorisent les ouvertures, James estime qu’il est utile de faire de même avec le milieu de partie : quoi faire avec un avantage d’espace, avec des pion suspendus ou isolés. Cela permet aussi de mieux aborder les finales. Il est probable que travailler des positions tactiques de finales permet de progresser à la fois en finale et en milieu de partie.

Le livre de Van Perlo, « Endgame tactics » est cité (a notamment reçu le prix du livre de l’année (2011) par la English Chess Federation. «  […] plus digeste que beaucoup d’autres bouquins sur le sujet et sans doute aussi instructif » selon Variantes. Jesse (Kraai l’évoque sur Chessdojo).

James est admiratif sur la vision du jeu des grands joueurs qui savent pertinemment s’ils ont une position gagnante s’ils ne font pas d’erreur.

Ceci dit, la tactique ne suffit pas à éliminer les gaffes à 100%. Il convient d’avoir sa check-list et de la consulter à chaque coup lors de parties d’entrainement, surtout lorsque les réflexes ne sont pas acquis ou que la mémoire commence à faire défaut (disons qu’elle est moins performante avec l’age !). Le conseil de James : en dessous de 1500-1600, si vous calculez plus de 2-3 coups, vous allez certainement tomber sur une mauvaise conclusion ! Soyez simples : plus vous calculez loin, plus vous avez de risques de vous tromper. Si vous suivez ce conseils et êtes vigilants sur les intentions de vos adversaires, vous ferez certainement plus de progrès qu’en vous acharnant sur la tactique.

S’offrir un coach est aussi une bonne idée. Certes, cela a un cout, mais il y a en de tout niveau et à des tarifs différents.

Jouer des parties longues (au moins 45+0) reste enfin une pratique profitable.

« How to study chess on your own » de Davorin Kuljasevic est également cité. Toutefois la critique récurrente sur ce livre est qu’il s’adresse essentiellement à des joueurs très ambitieux, disponibles et/ou au delà d’un certain niveau.

James nous rappelle qu’augmenter ses connaissances/compétences de 1% chaque jour, nous donne un résultat final 38 fois supérieur au bout d’un an (=1.01365 !), et de +34% chaque mois.

Il existe d’autres podcasts (ballado-diffusions !) de joueurs connus ou pas, d’auteurs connus ou pas, dans une optique de joueur adulte désireux de progresser. Toutefois la langue est quand même une barrière (merci les sous titres). D’autant plus que certains podcasts durent longtemps (1h23 pour la discussion avec James). Les plus courageux pourront aussi tenter des vidéos de plus de 3 heures avec Ben Finegold !!!

Ceci dit, les quelques conseils de James ne peuvent que nous être profitables. Jouer simple (2 coups !) et anticiper les menaces de l’adversaire, avoir sa check-list, travailler les structures de pions, tirer un enseignement de chaque partie de qualité, progresser de 1% chaque jour, choisir les bonnes chaines vidéos et les livres adaptés à son niveau. On peut aussi retenir que rien n’est écrit dans le marbre en matière d’amélioration aux échecs. Ce qui était valable il y a 20 ans ne l’est plus maintenant, ce qui valable pour un elo 1350, ne l’est pas pour un elo 1850, ce qui fonctionne pour un joueur 1200-1300 de 15 ans ne le sera pas pour un joueur 1200-1300 de 47 ans.

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