Plan de route 2024

8 mn 30 s

Vous trouverez ci-dessous une synthèse/traduction d’une série de 7 articles (en anglais) du GMI suisse Noël Studer pour s’améliorer en 2024. Cet article a été repris sur ChessMood (plus ou moins partenaire avec Next Level Blog). Si vous avez que quelques heures par semaine à consacrer à votre passion préférée, ceci est pour vous. Par contre, si vous avez plus de temps, ceci est également pour vous.

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SE DÉBARRASSER DE SES VIEILLES HABITUDES

Les résolutions de la nouvelle année sont rarement efficaces. Tout au plus quelques semaines. Souvent parce qu’on y injecte de nouveau nos vieilles mauvaises habitudes. Parfois, il est utile de tout stopper, faire table rase pendant 1 mois puis de commencer sur ces nouvelles bases.

On peut tenter d’appliquer ça aux échecs de trois façons :

  • Façon simple : lister ce qui nous semble inutile et stopper net ce qui apparait le plus inefficace (blitzer pendant 1 heure par jour ? enchainer les problèmes tactiques en les résolvant à l’instinct sans identifier le thème ? visionner encore une vidéo qui promet de révéler le secret d’une ouverture meurtrière ?) et s’en priver pendant 7 jours.
  • Façon moyenne : se tenir à une activité unique pendant 7 jours. Par exemple :
    • jouer et analyser ses parties
    • travailler un cours, un livre
    • résoudre (efficacement) des exercices tactiques
  • Façon difficile : la seule activité pendant 1 semaine serait, pourquoi pas, de s’informer sur les méthodes efficaces d’entrainement.

Une « vraie » détox se fait souvent sur 1 mois. Ici, le temps a été raccourci, car il ne s’agit pas simplement de changer un mode de vie, mais bien de changer d’entrainement. Ne pas s’entrainer pendant 1 mois pour mieux s’entrainer ensuite resterait un peu paradoxal ! On peut se motiver en s’accordant une récompense quand le challenge a été respecté, et se contraindre à une tâche ingrate quand il a échoué ! Impliquer ses proches dans ce projet d’une semaine force souvent à le réussir. Et enfin, afficher sur la glace de la salle de bain les raisons pour lesquelles on applique ce challenge-détox.

Les plus motivés pourront désinstaller leurs applications échiquéennes sur leurs portables ou installer des utilitaires bloqueurs de site. D’ailleurs sans aller jusque là, c’est peut-être le moment de faire le point sur les applications installées sur le portable.

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AJUSTER SON ÉTAT D’ESPRIT

Pas facile, mais… se désintéresser de son elo serait également un challenge à effectuer ! Par contre, se dire en début d’année « Moi, dans 1 an j’ai +400 elo » n’est certainement pas un objectif intéressant. N’oublions que le niveau elo n’est que le reflet de ce que vous êtes. Changez ce que vous êtes, et votre elo changera !

Se fixer des objectifs d’entrainement est plus efficace :

  • Travailler son processus de réflexion pendant 1 mois.
  • Faire de moins en moins de parties en ligne (au profit d’acquisition de connaissances)
  • Faire à la suite 10 parties d’entrainement sans gaffe.
  • Se faire (enfin) son mini-répertoire d’ouverture à partir des parties sérieuses et/ou officielles déjà jouées
  • Réviser les motifs tactiques de base pendant 3 mois sans être distrait par mon portable
  • S’entrainer pour le prochain tournoi, gérer son stress au début d’une partie, entamer un livre de finales, etc.

Mélanger des objectifs liés au jeu (conserver un avantage en fin d’ouverture) à des objectifs plus généraux (faire un break le samedi et le dimanche pour faire du sport) est aussi valable.

Tout comme on essaye d’avoir des exercices tactiques assez durs pour les résoudre dans 60-75 % des cas, il faudrait avoir des objectifs qu’on puisse atteindre 2 fois sur 3. Si on les atteint tous, la barre n’est pas assez haute.

Se fixer des objectifs liés aux compétences/aptitudes donne plus de confiance. Concrètement :

  1. Se fixer toute de suite, là, maintenant, un objectif (la détox peut en être un !!!)
  2. En informer le même jour les personnes qui comptent pour vous ou qui s’intéresseront à votre projet
  3. S’attendre à ne pas atteindre votre objectif, ou un des objectifs.

Prendre plaisir à s’entrainer et à jouer est le signe que vous êtes sur la bonne voie !

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ÊTRE A L’AISE EN DEHORS DE LA ZONE DE CONFORT

Imaginez 12 tactiques à +300 ou +600 de votre niveau (testez sur Lichess). Si vous en réussissez moins de la moitié, l’exercice est assez dur. Puis mettez un problème tactique à +600 en mémorisant la position (3 minutes). Vous avez une heure pour proposer vos variantes sans échiquier ! C’est difficile ? Probablement, mais sans doute moins que devant une position face à un échiquier lors d’un tournoi. La sueur épargne le sang dit-on chez les militaires ! Lors d’une partie, il faudra se convaincre qu’on va inévitablement rencontrer une ou des positions difficiles et compliquées qui engendreront des erreurs. L’entrainement nous y prépare.

Il n’est sans doute pas facile de se lever 30 minutes plus tôt, d’écrire une lettre d’amour, ou de pratiquer 15 mn de gainage tous les jours. Mais quitte à commencer à faire quelques chose difficile dans la semaine, pourquoi pas commencer par ça ? Ce sera déjà un premier pas. Devant l’échiquier, on peut estimer qu’un entrainement « dur » consiste à résoudre des positions complexes selon son niveau ou à jouer contre un adversaire à +400 elo.

Aborder cette philosophie nous amène à faire des choix : on ne peut pas tout faire, tout travailler dans des journées qui n’ont que 24 heures. Il faut se méfier de ces conseils fréquemment rencontrés : « Les 5 livres indispensables pour le débutant » (déjà, si on en lit un en 1 an…), ou « Les 30 conseils pour gagner aux échecs » (sans toutefois nous préciser comment les appliquer tous en même temps !).

Établir des choix peut nous amener à axer son entrainement seulement sur quelques points (parmi d’autres) :

  • Maitriser 5 motifs tactiques de base
  • Travailler les finales selon son niveau
  • Bien appliquer les principes des ouvertures
  • Jouer ET analyser un maximum de parties longues

Alors oui, ce sera au détriment de la partie espagnole et du gambit Stafford, des dernières vidéos de Blitzstream et de Eric Rosen, et des 100 blitz hebdomadaires… Bref, il convient de faire la différence entre ce qui est agréable, et ce qui est essentiel. Cette simplification rend l’esprit plus libre et donne plus de souplesse à l’entrainement d’un joueur moyen qui n’a pas la possibilité de consacrer 8 heures par jour aux échecs.

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L’ENTRAINEMENT RAISONNÉ

Il s’agit de se concentrer sur 20% des notions qui vont améliorer 80% des compétences (loi de Pareto). A savoir :

  • ouvertures, tactiques, stratégie, finales, parties et analyse
  • se limiter sur 20% des connaissances (en gros : il ne sert à rien de travailler une variante du 13eme coup d’une ouverture, ou de travailler un gambit que vous n’avez jamais rencontré)
  • bien choisir ses ressources bibliographiques.

Nous avons sans doute déjà appliqué ceci pour passer des examens : on délaisse les matières à faible coefficient pour se concentrer sur les matières à fort coefficient. Le temps d’entrainement devrait se répartir à peu de choses près en 3 parts égales : tactique, parties et analyse, et apprentissage théorique (ouverture, stratégie, finale). Pour les accros des ouvertures : si on désire consacrer plus de temps aux ouvertures, il faudra donc consacrer plus de temps au reste aussi !

Ce n’est peut-être pas ce qui va convenir à tout le monde, mais pour une première approche, cela devrait suffire : travailler ce qui est utile en dehors de sa zone de confort.

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PLANIFIER SON ENTRAINEMENT

Il reste à mettre le tout en œuvre. Un programme d’entrainement réaliste va nous aider à faire ce qu’on a décidé de faire. Il devra suivre les lignes directrices suivantes :

  • Être préparé en amont avec les documents nécessaires et le temps disponible
  • Entrainement quantifiable pouvant être évalué (ok ou pas)
  • Réaliste : être modeste dans la charge de travail et sa difficulté
  • Réparti au mieux avec la règle du 1/3 (cf ci-dessus)
  • Définir les plages horaires et la durée de l’entrainement

Le truc genre : « Bon, j’ai une heure devant moi, alors… stratégie ou finales ? Ah… tiens, on a le Tata Steel 2024 en direct … ouais, super ! » n’est pas un entrainement !!!

Par contre, ça, c’est un début de plan d’entrainement :

  • Lundi : 7h30-8h00 -> 12 exercices tactiques de la Stappenmethod
  • Mardi : 12h15-12h30 et 21h-21h30 -> exercices tactiques de finales de pions sur Lichess niveau -300
  • Mercredi : 20h-20h30 -> calcul sur une position avec un thème stratégique et 20h30-20h45 -> correction des exercices de la veille
  • etc.

Les étapes pour se créer un plan :

  1. Déterminer le temps disponible chaque jour, et donc par semaine. Viser simple au départ, ne pas surestimer sa disponibilité ni sa motivation : commencer en utilisant que le tiers de votre temps disponible. Puis diviser par trois (cf toujours la règle des 1/3 de la répartition des matières à travailler : tactique, parties, théorie). Selon la façon dont ce plan est appliqué lors de cette première semaine on pourra ajouter ou retirer du temps. Pour résumer : si vous pensez pouvoir dégager 9 heures par semaine, vous commencerez avec 3 heures à répartir entre la tactique, les parties, et la théorie. Progressivement, selon le suivi de votre planning, vous pourrez passez à 5 heures hebdomadaires puis 7, puis 9. Et enfin, plutôt prévoir 12 séances de 15 minutes dans la semaine, que 3 séances d’une heure.
  2. Déterminer comment les sessions d’entrainement peuvent se répartir dans la journée. Se garder le samedi et/ou le dimanche pour pratiquer autre chose (ou des tournois !!). Un retraité, un étudiant, un salarié, le tout mélangé avec une vie de famille, n’auront pas les mêmes contraintes. S’il n’est pas possible de prévoir sur l’année, on peut utiliser le dimanche pour planifier la ou les semaines à venir.
  3. Remplir les sessions hebdomadaires avec les matières à travailler : tactique (tous les jours, ou au moins deux fois par semaine), parties et analyses (1 partie longue genre 60+30 ou deux parties 15+10), théorie (pas plus de 10-20 % d’ouverture pour les 1200-1500 – plus au delà -, préférer les finales et leurs mises en pratique).

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SE PRÉPARER AUX OBSTACLES

Autant les anticiper dès le départ, car il y en aura. Imaginez 3 évènements qui peuvent venir interférer avec votre beau programme. Maladie, démotivation, surcharge de travail, déménagement, what else ? Pour chacun de ces trois événements, se demander comment on peut se débrouiller pour en diminuer la probabilité quand c’est possible, puis comment on peut les détecter avant qu’ils surviennent afin d’adapter le programme.

Le risque est d’arrêter son entrainement, non pas une fois (cela peut arriver) mais plusieurs fois de suite : c’est alors une mauvais routine qui s’installe, une mauvaise spirale. Un carnet de bord rempli quotidiennement, ou toutes les semaines, permet de mieux visualiser ces dérapages. Lorsque cela arrive, cela ne sert à rien de vouloir rattraper le temps perdu. Reprendre le programme gentiment, ne serait-ce que 10 minutes par jour, puis 20, puis 30 mn, etc. Peut-être naviguer à vue pendant quelques jours, avant de construire un nouveau programme si nécessaire. Et se débrouiller pour que cela ne se reproduise pas trop souvent !

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CROIRE EN SOI

Il est possible que certains d’entre vous se disent que tout ce qui précède ne les concerne pas. Trop vieux, pas le temps, à quoi bon, ça me suffit, je suis à mon max, j’ai déjà essayé tout ça, ou qu’il suffise de lire « Mon système » de Nimzovitch… Mais êtes vous sûr d’avoir utilisé les bonnes méthodes, consacré votre temps à ce qui est essentiel, ou de l’avoir pratiqué de façon régulière et persistante ?

Si ces derniers conseils sont suivis, l’amélioration suivra. Peut-être un simple gain de 50 elo, ou l’absence de gaffes, ou une simple confiance en ses capacités. Quel que soit l’age ou ses disponibilités (oui, bon… au moins plusieurs heures par semaine quand même !).

Beaucoup de notions techniques et pédagogiques sont nécessaires et il est normal de s’y perdre. N’hésitez pas à parcourir Next Level Chess (et à télécharger son E-book : « the Art of chess Training« ) et la conclusion du 7ème article, pour vous rafraichir la mémoire.

L’essentiel en 7 articles ! Bravo Noël pour ce travail de synthèse. Beaucoup de ces thèmes ont été traités sur le blog à partir de ses idées, mais pas que ! Citons : l’équipe de ChessDojo, Dvoretsky, Heisman, Yusupov, Tomic, ChessMI, Muñoz, Aagard, et tout ceux que j’oublie.

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4 Commentaires

  1. Matt

     /  25 février 2024

    A mon avis, il faut plus de temps pour comprendre ce que veut dire cet auteur que de devenir 1800 elo.

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  2. Matt

     /  27 février 2024

    Je n’ai jamais rencontré de ma vie un joueur arriver à 1800 (et même plus) en ayant suivi un programme. Carlsen, qui touche quand même sa bille, a admis un jour n’avoir jamais suivi un programme quelconque. Si je suis un truc pareil, où est le plaisir ? Travailler telle chose de telle heure à telle heure ??????

    Bien sûr, je m’adresse aux modestes amateurs que nous sommes et ce n’est qu’un avis personnel et forcément subjectif.

    Le principal pour moi c’est prendre du plaisir, de vouloir comprendre le jeu. Je bossais des combinaisons quand j’en avais envie, les finales si cela me plaisait, et regardais des parties pour m’amuser, tout en apprendant quelque chose bien sûr. Quand je n’avais pas la motivation, je ne faisais rien.

    Et bizarrement, j’ai l’impression que ca été plus efficace (même si, encore une fois, il faut relativiser au niveau amateur que nous sommes) que certains joueurs que j’ai connu dans le passé, lesquels bossaient comme des mules en voulant gagner les fameux points elo (et l’égo qui va avec). Mais y prenaient-ils du plaisir au moins ? J’en doute…

    Quand je suis arrivé au club en 92 , Denis et le président d’alors m’avaient estimé à 1700 elo, en n’ayant jamais joué une seule partie de compétition. ( Faut être honnète en disant que je jouais 1600 elo environ).

    Avant de jouer en club, je jouais beaucoup et j’avais bossé pas mal la tactique. Par contre, j’étais nul en stratégie, nul dans les ouvertures, je ne parle même pas des finales…. Encore une fois, à ce niveau là c’est notamment la tactique qui compte, jouer quand une petite combinaison est possible, ne pas se prendre une petite tactique, connaitre quelques techniques d’attaque etc…

    Salutations échiquéeennes.

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    • Il est clair que certains joueurs progressent rapidement de quelques centaines de points en 2-3 ans sans jamais avoir élaboré le moindre plan d’entrainement. Pas certain non plus qu’il y a 75 ans (si on veut remonter dans le temps !) les types utilisaient de beaux tableurs pour se dire 3 heures de tactiques, je joue 4 parties, je bosse 15 minutes de tactique tous les jours. Mais avoir une ligne directrice, des objectifs (quels qu’ils soient), une vision globale permet probablement de mieux progresser que d’aligner ses 30 bullets quotidiennes.

      En outre, beaucoup de « coaches » qui surfent sur leur réputation, leur elo, et l’engouement pour les échecs depuis le COVID, mettent en avant leurs programmes afin de promettre des résultats quasi spectaculaires. L’approche de certains, comme Noel Studer, me semble plus « généraliste » et il est un des rares à donner des conseils concrets dont on peut s’inspirer pour se renouveler dans sa pratique échiquéenne.
      On peut difficilement s’inspirer de l’entrainement des joueurs >2500-2600 qui de toute façon étaient déjà à 2000 à 10-12 ans.

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