Améliorer le calcul


Le coach indien Ramesh en a fait un livre. Je ne l’ai pas lu, mais d’autres joueurs l’ont fait pour nous.

Notamment Martin B. Justesen sur le blog « Say Chess » : Chess Calculation Insights From GM RB Ramesh. Il semblerait que sans améliorer la visualisation, il n’y aura pas d’amélioration des capacités en calcul. Vous êtes prévenus !

Visualisation et évaluation sur 2.5 coups


Réfléchir aux échecs, c’est un peu comme si on faisait de la physique quantique : soit on prévoit 5 à 10 coups (ou plus) sur une suite forcée, soit on réfléchit sur 1 à 3 coups sur plusieurs coups candidats !

J’ai lu quelque part qu’un moteur d’échecs réglé sur une profondeur de 2 coups a un niveau de 1600 elo (environ, allez on va dire entre 1500 et 1700), et Andrew Soltis nous dit aussi que réglé sur 4 coups, c’est équivalent à un niveau de Maitre (2100-2300 elo). Donc, se contenter de 2.5 coups devrait être suffisant dans la plupart des cas.

L’adversaire vient de jouer :

  • Un coup : on envisage notre réponse, et on regarde ce que peut jouer l’adversaire.
  • Deux coups : sur cette réponse on regarde ce qu’on peut jouer, et ensuite comment l’adversaire réagit
  • Deux coups et demi : est -ce que je peux répondre de façon satisfaisante ?

Dans la majorité des cas, 2,5 coups suffisent si la position ne requiert pas une analyse tactique avancée. Un des corollaires : même si vous avez en face de vous un joueur nettement meilleur, 2.5 coups suffisent, pas la peine d’aller plus loin (et inversement : face à un joueur moins fort : il faut aussi réfléchir sur 2.5 coups).

L’aptitude au calcul nécessite deux compétences : la visualisation, et l’évaluation (évaluation avant de commencer à réfléchir, et avant de jouer son coup candidat).

Quelques pistes pour travailler la visualisation.

  • Connaitre la couleur des cases en fonction de leurs coordonnées. En fermant les yeux, quelle est la couleur de la case a1 ? b2 ? c3 ? etc. Puis couleur de la case a8 ? b7 ? c6 ? etc… (autant en se mettant du coté blanc que du coté noir). Couleur de a1, a2, a3 ? etc. On peut aussi visualiser la couleurs des cases sur lesquelles les pièce se trouvent lors de la position initiale. En allant plus loin, on peut, pourquoi pas, visualiser les couleurs de cases des premiers coups d’une ouverture. 1. e4 : quelle couleur? 1. … c5, quelle couleur ? Cf3, quelle couleur ? et ainsi de suite.
  • Préparer un échiquier avec un roi, une tour, un cavalier et un fou, disposé de façon aléatoire. On peut commencer avec moins de pièces. Regarder la position et fermer les yeux pour le reste de l’exercice. Demander à un partenaire d’entrainement de déplacer une pièce et de dire (par exemple, si la tour se trouve sur la colonne c ou la 8eme rangée) : « Tour, c8« . On devra alors dire à haute voix les coordonnées des pièces et quelles sont les nouvelles interactions entre celles-ci : « Désormais la tour est sur la même ligne que le roi, et est sous la protection du cavalier. » Accessoirement dire la couleur des cases de chaque pièce. Répéter l’exercice autant de fois que le cerveau sera disponible ! 10, 30, 40 coups.
  • Études de mats : on évoque ici les 5334 problèmes de Laszlo Polgar. Mais Chessbase nous donne la possibilité de créer ces études.
  • Lire des parties sans déplacer les pièce sur un échiquier, disposer les pièces sur un échiquier lorsqu’on arrive à un diagramme, comparer le résultat de la visualisation avec le diagramme et continuer la partie de la même manière. L’emploi d’un logiciel est tout aussi valable : lire les 5 premiers coups, disposer les pièces sur un échiquier, comparer, corriger la position si besoin, et recommencer. Si 5 coups est trop compliqué, descendre à 2 ou 3 coups.

Quelques pistes pour travailler le calcul et l’évaluation

  • Un peu à la manière des échecs en solitaire : choisir une partie de grand-maitre et une position remarquable. La travailler sur 2.5 coups. On peut utiliser un livre d’ouverture (tel que le NCO avec ses tableaux ésotériques) et choisir une ouverture dont une variante est jugée soit peu claire, soit égale. Y réfléchir sur 2.5 coups.
  • Jouer aux dames : certaines écoles d’échecs soviétiques encourageaient leurs élèves à pratiquer ce jeu en fin de session afin de se décontracter tout en gardant un esprit d’analyse !
  • A la fin du calcul de quelques coups, donner une analyse de la future position (attention : les pièces doivent rester en place), avec =, +-, +/-, etc. Tester éventuellement ses capacités d’analyse avec Chessval.

Il est certainement utile de s’habituer (= s’entrainer !) à évaluer la menace de l’adversaire. Puis quand ce réflexe est acquis, prendre l’habitude d’envisager les meilleurs coups candidats possibles. Puis systématiser la réflexion sur les réponses possibles de l’adversaire (en gros : ses coups candidats à lui !). Et ainsi de suite sur 1 coup, 1.5 coups, 2 coups et finalement sur 2.5 coups.

Et vous, comment réfléchissez-vous ?

D’après « Study chess made easy » d’Andrew Soltis

chapitre « Two-and-a-half move chess »

Deux exercices pour améliorer la visualisation


Exercice 1

Mémoriser l’échiquier vide avec un cavalier en a1 (case noire). Puis, mentalement chercher le chemin pour le faire arriver en  b1 (soit a1 b3 d2 par exemple), puis en c1 et ainsi de suite pour terminer sur h1. Ensuite faire passer le cavalier sur h2, puis g2, etc.

Au final, de case en case, vous aurez déplacé le cavalier sur toutes les cases de l’échiquier. N’oubliez pas de visualiser aussi la couleur de la case (l’intérêt avec la cavalier est l’alternance des couleurs à chaque déplacement).

L’exercice est fastidieux, mais avec un peu d’entrainement vous devriez arriver à boucler le tout en 15-20 minutes.

Pour moi, c’est déjà difficile ! Je me contente d’énoncer les cases et leur couleur tout en les visualisant. Pour l’instant je tiens sur deux rangées. Après ? Je craque… et j’arrête.

 

Exercice 2

Recommencer l’exercice 1. Lorsqu’un cavalier atterrit sur une case, votre tâche consiste maintenant à visualiser les diagonales connectées. Dans le cas de la case a1, il n’y a qu’une seule diagonale. Ainsi, la diagonale connectée de la case a1 est composée des cases a1, b2, c3, d4, e5, f6, g7 et h8. Toutes ces cases sont noires, donc visualisez-les comme telles.

Il est également important d’essayer de visualiser cette diagonale par rapport à l’échiquier (c’est-à-dire d’une perspective détaillée et d’une perspective de niveau supérieur). Essayez donc de visualiser cette diagonale spécifique à partir de différentes perspectives. C’est-à-dire, essayez de la regarder du point de vue d’un joueur, d’un point de vue supérieur et du point de vue d’un spectateur, en nommant chaque carré de la diagonale comme vous le faites.

Lorsque vous commencez à vous sentir à l’aise avec les noms des cases de la diagonale, revenez à une vue détaillée de loin et faites passer le cavalier à la case suivante (dans ce cas la case b1). Lorsque le chevalier arrive sur le carré b1, visualisez les diagonales connectées à la case b1.

Il y en a deux : la diagonale b1, a2 et la diagonale b1, c2, d3, e4, f5, g6, h7. Essayez de visualiser ces deux diagonales dans une perspective de haut niveau. Imaginez que tous les carrés de ces diagonales sont blancs. Essayez de mémoriser les noms des carrés le long de chacune des diagonales.

Pour vous faciliter la tâche, et aussi pour développer une visualisation dynamique, jouez à un jeu simple dans votre tête en visualisant un fou ennemi qui se déplace le long de la diagonale vers et depuis différentes cases. Nommez chaque case sur laquelle le fou atterrit pendant que vous le déplacez d’avant en arrière. Ensuite, lorsque vous êtes sûr d’avoir bien visualisé les diagonales, visualisez le fou qui capture le chevalier.

Retirez maintenant le fou et replacez le chevalier sur la case b1. Visualisez à nouveau le chemin du chevalier vers la case suivante de la rangée en vous assurant de voir chaque case et la couleur que le chevalier touche lorsque vous la déplacez. Dans ce cas, nous voulons amener le chevalier sur la case c1. En atterrissant sur la case c1, visualisez les deux diagonales qui se croisent sur la case c1 en veillant à nommer chaque carré sur chaque diagonale. Par exemple, vous pouvez visualiser les cases noires c1, b2 et a3 sur une diagonale, et les cases c1, d2, e3, f4, g5 et h6 sur l’autre diagonale. Placez à nouveau un fou ennemi sur le plateau et déplacez-le d’avant en arrière jusqu’à ce que vous décidiez finalement de capturer le cavalier.

Répétez la technique jusqu’à ce que vous ayez déplacé le cavalier sur toutes les cases de l’échiquier et que vous ayez visualisé toutes les diagonales et leurs couleurs ainsi que l’interaction des pièces. Vous aurez alors fait l’exercice d’un point de vue statique et dynamique.

Cette méthode prend du temps, mais il n’est pas nécessaire de tout faire en même temps. Disons que vous avez fait monter le chevalier jusqu’à la case d4 et que vous avez besoin d’une pause. Allez-y, faites une pause. Lorsque vous décidez de reprendre l’entraînement, replacez le chevalier sur la case d4 et continuez à partir de ce point. De cette façon, vous finirez par déplacer le chevalier sur chaque case du plateau.

Vous vous familiariserez avec les chemins de liaison et les points d’intersection ainsi qu’avec toutes les cases de liaison. En fait, vous mémoriserez le plateau en même temps que l’interaction des pièces, ce qui facilitera grandement l’utilisation de la technique du tremplin de Jonathan d’un point de vue dynamique plutôt que statique.

En utilisant des variantes de ces exercices, vous commencerez à savoir exactement quelles sont les cases qu’un fou, un chevalier et une reine ennemis menacent. Vous pourrez éventuellement ajouter d’autres pièces et visualiser des interactions plus complexes, mais nous espérons que cela vous aidera à démarrer.

D’après « How do you improve your visualisation skills » par Richard Reid

 

 

 

 

 

 

 

Diagnostic tactique


Faites vous un petit tableau Excel (ou sur une simple feuille de papier, ou même dans votre journal de travail) et mettez un petit trait devant une des catégories suivantes à chaque fois que vous ratez un exercice tactique :

  • Mauvaise visualisation : qui vous empêche d’avoir un calcul exact. Comme une pièce adverse clouée sans tenir compte de cet avantage, ou lors de positions compliquées avec beaucoup de pièces dans un secteur de l’échiquier rendant ainsi la visualisation plus difficile.
  • Pas de recherche de tous les échecs possibles lors de la réflexion : et ceci pendant 1.5 coups minimum. En pratique, on peut se contenter de prendre en compte que le premier coup pour poser un trait. Sachant que si on n’envisage pas un échec comme réponse de l’adversaire, c’est peut être simplement dû à un soucis de visualisation ou une mauvaise prise en compte de toutes les pièces de l’échiquier.
  • Pas de recherche de toutes les captures possibles lors de la réflexion : négliger aucune capture de pièce. Un simple pion capturé permet de laisser passer une tour victorieuse ou ouvre une diagonale vers le roque. Ne pas négliger non plus un sacrifice en se disant : « Ah bah.. non… là si je perd ma pièce, ça va plus » sans avoir réfléchit a minima 1.5 coups.
  • Pas de recherche de toutes les menaces possibles lors de la réflexion : un échec au roi, c’est une menace. Reste, après les calculs des captures, à envisager les menaces sur la dame, la tour, le cavalier, le fou…
  • N’aborde pas les coups candidats dans l’ordre échec-capture-menace : nécessite un peu d’introspection, mais afin d’optimiser le temps lors d’une partie, il semble essentiel de bien aborder la réflexion dans cet ordre.
  • Quiescence : on pense que la position est gagnante ou perdante, alors que des échanges sont encore possibles ou que des menaces sérieuses existent encore (d’un coté comme de l’autre).
  • Ne réfléchit pas au minimum jusqu’au 1.5 coup suivant : plutôt de l’impatience en fait ! on voit une capture d’une pièce non protégée mais la réponse adverse entraine un échec intermédiaire dévastateur.
  • Pas de prise en compte de toutes les pièces de l’échiquier : normal quand on aborde un problème (contrairement à une partie pendant laquelle la connaissance de toutes les pièces sur l’échiquier est intuitive et progressive, coup après coup). Bien penser avant de réfléchir sur un exercice tactique à analyse la position : équilibre matériel, pions passés, sécurité des rois, avantages stratégiques, activité des pièces… enfin bref, la routine quoi ! Lors d’un exercice avec une finale de pions, bien regarder qui doit jouer en premier et bien s’imprégner du sens du jeu.
  • Mauvais calcul : mélange en fait d’un défaut de visualisation (empêchant souvent de réfléchir au delà de 2 à 3 coups, même sur des coups forcés), de mauvaise prise en compte de toutes les pièces de l’échiquier, de quiescence, d’une non considération d’un échec intermédiaire.
  • N’envisage pas une position idéale : pas une erreur en soi, mais parfois un schéma tactique s’impose et on ne recherche pas à l’atteindre.

Liste non exhaustive, mais je pense qu’elle regroupe l’essentiel des défauts. Vous pouvez en rajouter d’autre ou en retirer.

Au fur et à mesure de vos exercices tactiques quotidiens, vous pourrez ainsi dresser le portrait robot de vos erreurs de réflexion. Attendez toutefois d’avoir une bonne centaines de problèmes ratés pour tirer des conclusions. Admettons que vous résolviez 70 % de vos problèmes, si vous en pratiquez 100 par jour, vous mettrez 3-4 jours à compléter votre tableau diagnostique (et bien sûr 6 à 8 jours si vous vous basez sur 50 problèmes quotidiens).

Vous pouvez cocher plusieurs catégories en même temps. Une position compliquée altère votre visualisation et votre cerveau s’affole sans aborder la situation sereinement (vous vous concentrez sur la position compliquée sans voir la tour de l’autre côté de l’échiquier qui pourrait débloquer le problème). Dans ce cas cochez le défaut de visualisation, la non-considération de tout l’échiquier, et par exemple le fait de ne pas avoir envisagé tous les échecs. Trois traits.

Si cette méthodologie est un peu lourde, elle a au moins l’avantage de bien faire prendre conscience des erreurs de base. Pour progressivement appliquer tout ça inconsciemment lors d’une partie. N’hésitez pas à vous replonger dans les quelques posts sur les processus de réflexion.

 

Tactique (bis)


Petit complément : alors, ces exercices, on les résout directement à partir du bouquin ou du site, ou avec les pièces sur un échiquier ? Les deux, mon capitaine. A mon avis, le fait de résoudre directement permet d’aborder plus d’exercices dans un même intervalle de temps, donc c’est ok pour la routine avec des cas faciles et avec 1 à 3 coups évidents. Mais dans la vrai vie, on joue devant un échiquier bien concret. L’intérêt de placer les pièces sur l’échiquier est que cela doit certainement procurer une meilleure visualisation lors de la réflexion.

Ne pas se formaliser sur les résultats : concentrez vous plutôt sur votre progression. Certes, votre elo reflétera votre aptitude à résoudre les problèmes (et réciproquement). Mais lors d’une partie vous aurez un adversaire tout aussi humain que vous, et la position que vous aurez sous les yeux sera issue d’une série de coups qui vous aura déjà permis d’appréhender certaines choses. Ce qui est parfois plus difficile à faire quand on est plongé directement sur un problème.