Taper dans le dur !


On peut être tenté pour se préparer à un tournoi, ou afin d’envisager un progrès tangible, de s’entrainer comme une bête.

6 heures par jour, 10 problèmes issus des positions de Laszlo Polgar, 30 minutes avec les finales de Dvoretsky, et une 30+10 contre Lc0 suivi d’une heure d’analyse, tous les jours. Au minimum ! Sans compter la stratégie, les ouvertures, un open tous les 1 à 2 mois, les séances avec le coach…

Ramesh, lui, préconise 4 heure de travail sur des études, quotidiennement, par séries de 4 jours !!

Jusqu’où faut-il pousser le curseur ?

Steve Magness, spécialiste du « running », préconise ces lignes directrices pour sa discipline :

  • Facile la plupart du temps
  • Difficile occasionnellement
  • Avec des variations
  • Être dans le dur rarement

Si on adapte aux échecs, cela pourrait donner (du haut de mes 1600 elo !!!) :

Facile la plupart du temps : une série de 10 à 20 exercices tactiques résolus à 60-75%, quelques blitz, petit travail de compréhension des ouvertures, travailler une position spécifique contre un partenaire d’entrainement, se plonger dans un bouquin pendant 15-30 minutes. Au choix.

Difficile occasionnellement : exercices de finales, 60+30 contre un partenaire à +200 elo, un « Guess the move » pendant une heure, quelques études pendant 15-30 minutes. Une partie interclub peut en faire partie. On remarquera qu’il est plus facile de vendre à ses proches un match interclub qu’un : « Ce dimanche après midi, on ne me dérange sous aucun prétexte entre 14h30 et 18h : je bosse les structures de pions ! »

Avec des variations : on varie d’un mois à l’autre, on teste différentes méthodes, différentes difficultés, etc. On alterne, on adapte. On s’inspire des idées géniales des Echecs Sans Peine !

Être dans le dur, rarement : partie à l’aveugle, 1 à 2 heures de travail sur des études, méthode Stoïko pendant 1 heure. Un tournoi peut être incorporé dans cette catégorie.

Attention quand on durcit l’entrainement : ne pas se lasser ou se dégouter. On commence gentiment pendant 10 minutes, puis au bout de quelques jours (semaines), on passe à 20 minutes, puis 1 heure. On attaque les 5334 position de Laszlo : 1 à 2 positions à chaque fois (les premières sont assez faciles) en écrivant bien les variantes, puis on y passe 15, puis 30 puis 60 minutes, disons 1 fois par semaine. C’est déjà du calcul, pas la peine ce jour là d’y ajouter ses 20 à 50 positions de tactiques sur Lichess.

Les parties officielles, plutôt qu’un but ultime dans l’espoir de remporter la compétition ou d’améliorer son elo, devient le moyen de vérifier l’efficacité de son entrainement.

Les recherches montrent régulièrement que les personnes les plus robustes sont capables de percevoir les situations stressantes comme des défis plutôt que comme des menaces. Quand on trouve que les positions rencontrées lors d’un tournoi semblent moins difficiles à aborder que lors d’un entrainement, c’est qu’on est sur la bonne voie !

Tel un diable jaillissant de sa boite !


On est parfois perdu sur des positions assez simples. Nos pièces sont développées, le roi est à l’abri, et il ne semble pas y avoir de défaut chez notre adversaire. Alors, nous avons bien quelques idées : finir de développer, mettre une pression sur un pion faible, placer une tour sur une colonne semi-ouverte, jouer un coup prophylactique, viser ou créer une case faible. Mais le calcul nous perd et l’évaluation d’une position, sans gain tactique devient compliquée.

Bref… on fait quoi ?

Reste à utiliser le conseil d’Igor Smirnov :

« Qu’est-ce que je peux attaquer chez mon adversaire ?« 

Chez l’adversaire signifie : les rangées 5 à 8 quand on a les Blancs. Si on utilise cette idée avec celles citées précédemment (sortir un cavalier, mettre une pression sur un pion faible même s’il est déjà protégé, etc.) le choix va se limiter rapidement. Ok, jouer (enfin) un coup comme 14. Tad1 sur une colonne semi-ouverte activera la tour et c’est tant mieux. Mais si un autre coup candidat permet (pourquoi pas) d’attaquer une deuxième fois un pion simplement protégé par le roi adverse, il y a de fortes chances que ce soit le coup à retenir. Parfois ce coup « d’attaque » n’apporte pas un avantage net mais s’il permet à l’adversaire de modifier sa défense, s’il le force à réfléchir sur 2-3 options difficiles à calculer, ou si cela autorise une implantation gênante d’une de nos pièces chez l’adversaire, pourquoi pas.

Parfois, il n’existe pas de coup répondant à ces critères « agressifs ». Mais il faut alors en envisager un qui menace une autre pièce, même si ce n’est pas dans l’immédiat. L’adversaire va devoir éventuellement réfléchir sur l’intérêt de capturer notre pièce qui vient de se déplacer, sur l’intérêt (ou pas) de protéger la case qui est visée par cette pièce, ou sur l’intérêt de jouer autre chose.

Attention : l’adversaire peut proposer un échange. Toujours bien peser les avantages et les inconvénients d’une telle décision. S’il n’existe pas de compensation, on a aucun intérêt à entrer dans ce jeu. Au contraire, laisser l’adversaire perdre encore un coup pour pratiquer cet échange (souvent la bonne option) et on en profite pour optimiser notre position.

Il ne faut pas non plus négliger certains coups ressemblant à un sacrifice, surtout si cela aboutit à un affaiblissement net de la sécurité du roi adverse. Valeur d’un cavalier sacrifié =3.25. Si le roque adverse perd deux pions=2, dégageant un roi devenu fragile = 0.33 (avantage stratégique), et si en plus nos pièces sont en place, cela est peut-être intéressant à évaluer : on perd 1 point mais au profit d’une activité accrue de nos pièces.

Enfin, après une capture, on peut être tenté de reprendre la pièce adverse qui vient de capturer une des nôtres. Mais avant de le faire, on devrait toujours avoir en tête les options qui donnent des suites forcées : menace de mat, échecs, capture, autres menaces.

Se méfier des idées des moteurs d’analyses ! Si stockfisch donne un évaluation favorable à certains coups, cela sous-entend que la suite est du même niveau que Stockfish. Mais nous ne somme pas Stockfish et notre adversaire non plus. A quoi bon pour les blancs de jouer un coup qui fait passer l’évaluation de 0.87 à 2.,15 si la suite est compliquée et qu’on risque à tout moment de prendre une contre attaque fatidique qui remet les pendules à l’heure quand on rate l’unique coup (ou la série de coups uniques) qui nous aurait permis de gagner ? Autant retenir celui qui nous fait passer de 0.87 à 0.95 selon Stockfish, avec une suite plus facile à calculer !

En permanence, on devrait repérer les cases faibles et les pièces pas ou mal protégées (ah bon, vous ne le faites pas à chaque fois ?). Sans négliger la sécurité de nos pièces, la tactique intervient avec des enfilades, des fourchettes et des clouages pour arriver à nos fins. Par exemple si une de nos pièce est attaquée, peut-elle se déplacer et créer une menace ailleurs (un fou peut facilement clouer, un cavalier peut rapidement poser une fourchette, etc.)

L’adversaire ne sera certainement pas en reste et pourra, lui aussi, jouer de tels coups. Si une pièce est attaquée, nous avons souvent tendance à la mettre en sécurité quelques cases plus loin, ou à la surprotéger. Mais ce serait négliger la trilogie échec-capture-menace et ces idées offensives.

Ne pas oublier que, sans en faire la chasse, le moindre gain d’un pion sera toujours préférable à un avantage stratégique (surtout à petit niveau).

Bien sûr, il n’est pas toujours possible de porter une attaque (échec-capture-menace) dans le camp adverse. Mais, de façon générale, tant que l’adversaire a plusieurs bonnes réponses théoriques, le risque d’erreur dans son calcul est grand. C’est pourquoi tout ce qui menace quelque chose doit être considéré.

D’autres idées en vrac :

  • Un de mes pions est attaqué. Est-ce que je peux, moi aussi, attaquer un pion de l’adversaire (si c’est plutôt une pièce de plus grande valeur, tant mieux !) ?
  • Une pièce adverse est correctement protégée. Vraiment ? ne serait-il pas possible de supprimer son défenseur ?
  • La position est compliquée (qui reprend quoi en premier, avec trois variantes à chaque fois…). Avant de se lancer dans des calculs hasardeux, rechercher un coup d’attaque. L’échec intermédiaire est un coup redoutable.
  • S’orienter vers des coups forcés, supporté par la tactique, est très souvent préférable.
  • Ne pas oublier que si le coup retenu porte une menace dans l’environnement proche du roi adverse, il mérite d’être considéré.
  • Ne pas s’arrêter à la simple réponse de l’adversaire lors du calcul. Tant qu’il y a des possibilités d’échecs ou de capture, d’un côté comme de l’autre, il faut continuer à calculer.

Igor développe régulièrement ces notions dans ses vidéos (en anglais : mais profitez des sous-titres ou de l’approximative traduction en ligne). Pourquoi pas en visionner une de temps en temps afin de s’en imprégner , comme celle-ci ou celle-là (même si on peut lui reprocher ses titres un peu racoleurs !). Et puis travailler avec un partenaire d’entrainement ou contre un moteur d’échecs pas trop puissant afin que des occasions se présentent pour appliquer ces notions.

Combien de temps…


… pour réfléchir sur un problème tactique. En fait cela dépend de l’âge du capitaine !

Vous jouez surtout des blitz ? On va dire une dizaine de secondes.

Vous êtes plutôt adepte des Open 90+30 ? On va dire 3-5 minutes.

Vous êtes dans une logique Woodpecker ou répétitions espacées : une dizaine de secondes.

Vous êtes dans une logique de travail sur le calcul : un certain temps.

(Merci à Noël Studer pour ces idées)

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Jeremy Silman


Il y a des noms qui nous suivent au long de notre parcours échiquéen. Coaches, GMI, auteurs, animateurs, présidents de club. Parmi ceux ci, Jeremy Silman était un auteur incontournable, et je suis persuadé qu’il n’y a pas un seul joueur qui n’ait pas travaillé un de ses bouquins un jour ou l’autre. L’équipe de ChessDojo lui rend hommage dans une de leur dernière vidéo.