Les 6 principales situations d’une partie d’échecs.


On peut diviser une partie en trois phases : l’ouverture, le milieu de jeu, et la finale. Chacune de ces phases a ses grands principes qui ne sont pas forcement valables lors d’un autre moment de la partie. Si on essaye de garder son roi au chaud jusqu’en milieu de partie, il est utile voire nécessaire de le faire participer à la bataille finale. Si dès l’ouverture, il ne faut pas perdre de temps (jouer utile !), il faut parfois le prendre, le temps, quand on est en finale.

Dan Heisman nous oriente vers 6 situations différentes, ayant chacune leurs orientations stratégiques.

L’OUVERTURE

L’ouverture ne se joue pas comme un milieu de partie. Les grands principes des ouvertures méritent d’être précisés.

  • Développement efficace : certes, des GMI bougent plusieurs fois de suite la même pièce pendant les premiers coups, ou semblent négliger la sécurité de leur roi en ne roquant pas. Mais eux, ils savent pourquoi ! Toutefois, à petit niveau, la mise en action de ses pièces sans perdre de temps est essentielle. Lancer une attaque sans attendre un développement complet est souvent néfaste. « Ne pas bouger une pièce une deuxième fois avant d’en avoir bougé une autre avant, sauf si la tactique l’exige.« 
  • Roquer n’est pas une perte de temps ! Cela permet en un seul coup de mobiliser une tour et de mettre le roi en sécurité.
  • Utiliser ses pièces pour contrôler le centre et empêcher l’adversaire de le faire.
  • Mobiliser les pièces lentes (les cavaliers), avant les pièces plus rapides.
  • Jouer en priorité des coups quasi « obligés », tels que jouer la sortie d’un cavalier sur sa case de prédilection, avant de jouer des coups à choix multiples (Fe2, Fd3, Fc4 ou Fb5 ?)
  • Ne pas s’attarder sur l’ouverture : garder son temps pour la suite !

LA FINALE

  • Une finale nécessite de prendre son temps : répéter une position est parfois utile, on peut se permettre de perdre un tempo.
  • Le roi a son rôle à jouer, et est certainement plus utile au centre du combat que dans son coin.
  • La notion d’espace perd son sens : avec moins de pièces sur l’échiquier les arrières sont plus difficiles à garder. Le pion passé en avant-garde reste une arme redoutable.
  • Les notions de structure de pions perdent aussi un peu de leur sens. A part pour le pion isolé qui devient un sprinter prêt à démarrer s’il a survécu au milieu de partie.
  • Si la centralisation ne doit pas être négligée, deux pions passés centraux seront toutefois moins dangereux qu’un pion passé éloigné à l’aile, qu’un roi ne saurait stopper.
  • Le rôle respectif des fous et des cavaliers dépendra de la situation des pions sur l’échiquier.
  • La valeur d’un pion qui vise sa case de promotion devient plus importante que celle d’un fou ou d’un cavalier, incapables de mater.

ROQUES OPPOSES AVEC LES DAMES ENCORE EN JEU

C’est probablement la situation la plus violente, presque autant qu’un milieu de jeu avec le roi encore derrière un centre ouvert.

  • C’est une charge vers le roi adverse : le premier qui arrive sur le roque a souvent l’avantage.
  • Ouvrir une brèche dans son roque permet à la dame ou aux tours de venir faire face à l’offensive adverse qui n’hésitera pas à sacrifier ses pièces pour parvenir à ses fins.
  • La dame a un rôle primordial dans l’attaque.
  • A moins de bloquer l’avance des pions adverses sur son roque avec les pions dudit roque, il est sage de les laisser sur leur case de départ.

MILIEU DE JEU AVEC UN CENTRE FERME

Le centre quasi inamovible, genre Stonewall, genre variante d’avance de la défense française.

  • A la manière d’une structure Carlsbad, l’orientation des pions d et e indique le sens de la future attaque à mener.
  • Il y a de fortes chances que celui qui réussit son attaque sur l’aile roi, avant que son adversaire prenne l’avantage sur l’aile dame, gagne la partie.
  • Il y a moins à craindre de coups tactiques dangereux et les cavaliers ont le temps de prendre position.
  • L’usage intelligent des pions leviers ouvrant la voie aux tours permet souvent un gain ultérieur.

UN DES JOUEURS A UN AVANTAGE NET

Cet état est à mettre au dessus de la pile quel que soit la phase du jeu (ouverture, milieu de jeu, finale)

  • L’avantage net dépend du niveau des joueurs. Un demi-pion est déjà beaucoup pour un GMI. L’équivalent de 2 à 3 pions serait plutôt à considérer pour des joueurs moyens.
  • A petit niveau, la probabilité que le joueur avec l’avantage net fasse une erreur annulant son gain dans la suite de la partie n’est pas négligeable. A haut niveau, il n’est pas rare que le jouer en défaut abandonne.
  • Cette situation demande un développement particulier à part. Il faut retenir qu’avec un avantage, il faudrait échanger un maximum de pièces afin d’arriver sur une finale gagnante (Telle que R+T vs R, ou R+P vs R) et garder ses pions, alors que le joueur en défense devra tenter de capturer les pions (les futures tours et dames) et laisser le joueur gagnant se débrouiller avec son fou et son cavalier !

LES AUTRES SITUATIONS

Le sujet est vaste ! S’il fallait retenir trois idées :

  • Une mauvaise structure de pions est souvent responsable de la perte d’une partie
  • On peut plus facilement se fier à la valeur des pièces
  • On peut passer d’une situation à une autre assez rapidement : il faudra donc changer sa perspective en conséquence.

Ces idées directrices (guidelines en anglais) sont souvent utiles lorsqu’il s’agit de choisir un coup candidat et d’établir un plan. Mais ne pas oublier qu’elles cèdent le pas à la tactique.

« Il ne s’agit pas de trouver un coup correct, mais plutôt un plan correct avec celui qui permet de l’applique au mieux« 

Alekhine

D’après Dan Heisman dans son « Guide of Chess Improvement » : The six common chess states.

Stratégie et jeu positionnel.


En parcourant de temps en temps « Build up your chess » (the Fundamentals), je me suis rendu compte qu’il y avait des chapitres destinés à la stratégie et d’autres au jeu positionnel. D’où mon questionnement : est-ce qu’un livre sur la stratégie parle de la même chose que du jeu positionnel aux échecs ? En effet les deux notions semblent assez proches.

Qui dit jeu positionnel dit… position !

Et comment évalue-t-on une position ? en regardant les points suivants :

  1. Le matériel : simple calcul selon la valeur des pièces.
  2. L’espace : nombre de cases dont vous disposez pour déplacer librement vos pièces entre vos pions et votre première rangée. Souvent estimé de façon visuelle.
  3. Activité des pièces : si vous avez un mauvais fou (si on résume : fou bloqué par les pions de son camp), un cavalier qui n’a aucune case pour se déplacer, et deux tours encore sur leur case de départ et avec aucun pion devant elles, on ne peut pas dire que vos pièces soient actives.
  4. Contrôle du centre : grâce à son occupation matérielle par des pions ou des pièces, et grâce au contrôle que vous pouvez avoir sur celui-ci, dès le départ de la partie. Secondairement, selon la situation, en optimisant la centralisation de vos pièces
  5. Structure de pions : il vaut mieux avoir le plus possible de pions liés entre eux.
  6. Sécurité du roi : il ne suffit pas seulement qu’il soit bien à l’abri derrière ses pions après avoir roqué à côté de sa tour, encore faut-il que les pièces adverses n’y dirigent pas leurs attaques.

Si on retire le point 1, on se rend compte que ce sont essentiellement des notions de placement de pièces qui sont prises en compte. On peut avoir exactement le même nombre de pièces et avoir une position plus ou moins avantageuse que son adversaire.

On oppose classiquement un jeu positionnel (plutôt lignes fermées) à un jeu tactique (plutôt avec des lignes ouvertes). Toutefois, si on excepte une erreur grossière de l’adversaire aboutissant à un gain tactique, c’est souvent une maitrise du jeu positionnel qui aboutit au gain d’une partie, l’adversaire étant parfois obligé de « sacrifier » une pièce (ou simplement un pion) s’il veut poursuivre la partie avec un minimum de chances de renverser la situation.

De l’évaluation de la position va émerger des choix stratégiques : exploiter une case forte, gagner de l’espace, attaquer un roque, attaquer sur une aile, renforcer le centre, aller occuper une 7eme rangée.

La stratégie sans tactique est le chemin le plus lent vers la victoire. La tactique sans stratégie est le bruit de la défaite.

Les conseils de Todd (2)


Le moment fatidique arrive : il va falloir (ou pas) capturer ou se laisser capturer une pièce.

  1. ÉCHANGE

Le but d’un échange est multiple :

  • Gagner un temps
  • Ouvrir/fermer une colonne (diagonale ou colonne)
  • Éliminer un défenseur
  • Pour toute autre raison que vous jugez valable !

Il est intéressant d’échanger :

  • Quand vous avez un avantage matériel : échangez les pièces mais pas les pions.
  • Quand vous avez moins d’espace que votre adversaire.
  • Quand vous subissez une attaque (surtout les dames !)
  • Quand cela simplifie une position à votre avantage (notamment dans une finale)

Il n’est pas intéressant d’échanger :

  • Quand vous avez un retard matériel (mais capturez les pions, ces futurs candidats à la promotion)
  • Quand vous avez plus d’espace
  • Quand vous attaquez
  • Quand cela arrange l’adversaire

Quand il y a plusieurs captures, commencez à prendre avec la pièce la plus faible (si c’est possible). N’hésitez pas à modifier l’ordre des captures quand la position est complexe et que vous ne trouvez pas comment faire.

3. DÉCOMPTE

On ne le répétera jamais assez : comptez toujours combien il y a d’attaquants et de défenseurs. Autant pour les pièces que pour les cases. S’il y a plus d’attaquants que de défenseurs : la pièce peut être capturée ou la case contrôlée. Se méfier toutefois lorsque des pièces de différentes valeurs s’échangent. Une dame, aussi bien protégée soit-elle, est malgré tout en danger si elle est attaquée par un pion ! Vérifiez bien l’ordre des captures.

D’après Chess Strategy Workbook (Todd Bardwick)

 

 

Aborder une ouverture selon Jacob Aagard


Il existe plusieurs façon de travailler une ouverture.

Si un joueur débutant devra d’abord avoir en tête les principes des ouvertures et les travailler, à partir d’un certain niveau, il semblerait que s’approprier une ouverture ou deux ne peut pas faire faire de mal.

Un joueur d’attaque optera pour 1. e4, un joueur défensif pour 1. d4 ou une Caro-Kann, un théoricien doué d’une bonne mémoire préférera la Sicilienne.

Une approche plus positionnelle, plutôt que liée à la mémoire est possible. Cela nécessite une base de données et un peu moins d’ambition dans le style de l’ouverture (sous-entendu : on ne mise pas tout pour sortir avec un avantage à la fin de celle-ci ?) Accessoirement : sélectionner des joueurs spécialistes de votre ouverture préférée.

PHASE 1

  • Lorsque le choix s’est porté sur une ouverture particulière, choisir des parties avec des joueurs au delà de 2350 elo.
  • Parmi ces parties, sélectionner celles qui aboutissent sur une finale.
  • Les jouer sur un échiquier

PHASE 2

  • Choisir les 100-150 parties jouée par les joueurs les mieux classés
  • Noter les concepts particuliers rencontrés lors des milieux de partie.
  • Des idées générales vont finir par apparaitre, et au bout d’un certain temps, ce ne seront plus que des variations sur ce thème qui surgiront.
  • Comparez avec vos parties quand ces concepts sont rencontrés. Cela prend un peu de pratique quant au maniement de la base de données (Chessbase, Chess Assistant, SCID).
  • Noter vos parties qui vous semblent représentatives des positions rencontrées (une petite dizaine devrait suffire)

Et au bout d’un certain temps :

PHASE 3 (théorie)

Vous aurez déjà parcouru un bon nombre de parties et il est temps de devenir un peu plus précis en apprenant par cœur, et rencontrer des positions qui ne vous seront pas inconnues.

Fritz et ses amis sont essentiellement utiles pour infirmer vos convictions concernant certains coup. Mais il ne faut pas se faire trop d’illusions : les meilleurs coups sont déjà connus !

(faire aussi la distinction entre le meilleur coup qui débouche sur une position compliquée et le moins bon coup qui donne une situation plus facile à gérer, même si cela donne un +0.45 au lieu d’un + 0.97 si on joue les blancs par exemple).

d’après « Excelling at chess » de Jacob Aagard

Et pour  compléter : Copié/collé des conseils de Jesper Hall :

Commencer par trouver des parties commentées avec l’ouverture choisie, avec de bons commentaires : avec des plans et des idées.

Il faut se poser les questions suivantes :

  1. Quelles types de position et de structures de pions va découler de cette ouverture ?
  2. Quels sont les plans et idées positionnelles pour chaque camp ?
  3. A quoi ressemble les positions idéales ?
  4. Quels sont les positions clefs ?
  5. Quels sont les thèmes combinatoires ?
  6. Sur quel type de finale débouche cette ouverture ?
  7. Quelles sont les variantes à apprendre par cœur ?
  8. Quelles sont les variantes critiques (difficiles à affronter)

Pour explorer une nouvelle ouverture, il faudra s’attacher à :

  • Comprendre la structure de pions.
  • Comprendre le tempo (selon que l’on aime les positions complexes ou pas)
  • Comprendre les échanges.

Bref, du boulot sur la planche. Donc, commencer maintenant et non pas 15 jours avant un tournoi.

  • Sélectionner une ouverture et la rechercher dans une base de données (malheureusement Kingbase n’existe plus : j’espère que vous aviez pris le temps de les récupérer). Afin de minimiser votre nombre de parties, se limiter aux joueurs classés au delà de 2500 elo (et non pas 2350 !), et travailler variante par variante si vous ne voulez pas vous retrouver avec plus de 10000 parties que Chessbase mettra plusieurs jours à analyser (même avec une analyse ultrarapide)
  • Lancer sur Chessbase une analyse qui va attribuer des « médailles » vous permettant de repérer les parties allant en finale, et les position remarquables tactiquement et stratégiquement.
  • Se mettre toute ces positions dans une étude sur Lichess ou sur tout autre support.
  • Rejouer à partir de ces positions.
  • Comprendre comment/pourquoi le joueur est sorti moins bien de l’ouverture.
  • Après analyse de vos parties ultérieures, reprenez toutes ces données et compléter votre bibliothèque d’ouverture (« punir » le mauvais coup adverse et/ou écarter votre mauvais coup d’ouverture).
  • Reprenez vos anciennes parties de tournois afin d’améliorer vos positions d’ouverture.

Faites nous partager votre méthode de travail concernant vos ouvertures !

Vachier-Lagrave, Maxime vs Anton Guijarro, David


C’est dans le tournoi de Wijk aan Zee (c’est tout de même plus poétique que le Tata Steel Masters), et la quatrième ronde s’est soldée par une nulle dans toutes les parties.

A titre d’exemple, j’ai jeté un rapide coup d’œil sur la partie de Maxime contre Anton. 2784 contre 2679. L’analyse sur Lichess a montré pour les deux : 0 imprécision, 0 erreur, 0 gaffe. La perte moyenne a été de 0.055 pions chacun pour cette partie. L’avantage maximum concédé par le joueur espagnol a été de 0.8 points, et 0.5 points par MVL.

Waouh !

En gros, le graphe de l’analyse ressemble à ça :

Alors que quand je joue avec un adversaire de mon niveau :