Cas de dopage dans le monde des échecs


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Steinitz me disait hier soir que si aucun des deux joueurs ne fait d’erreur, la partie est nulle. Et, le bougre, il a drôlement raison !

C’est une tactique de l’adversaire qui vous capture un cavalier non protégé ? Schlack : +3.

Parfois la perte d’un simple petit pion se fait hélas sentir en finale ? Schlack : 0-1.

Quand on est attentif du premier au dernier coup, en gros quand on se demande toujours si le dernier coup de l’adversaire n’est pas une menace et si notre coup candidat est sûr, les gaffes se raréfient. Le « Ah… zut, j’avais pas vu » n’a aucune excuse. Bref, si on détecte une menace, on la pare. Si on ne trouve pas de tactique gagnante dans un délai de réflexion raisonnable, on aborde le placement des pièces (développement, activation). Toute action qui ne suit pas trop ça entraine, dans le meilleur des cas, une stagnation de la position. Dans le pire des cas : l’évaluation de la position blanche peut dégringoler de +/- à -/+ (expérience personnelle récente) en un seul coup, sans avoir perdu la moindre pièce, ni qu’aucun gain tactique se profile dans les 3 à 4 prochains coups. Si l’adversaire exploite cette erreur de position, la situation devient compliquée ; on perd l’initiative, on reste sur la défensive et le boa constrictor vous étouffe petit à petit. Pire : le manque de temps, l’affolement, le défaut de technique défensive fait souvent commettre des erreurs de discernement, et le -0.5 des blancs (selon Stockfish) se transforme en -1.25. Quand la stratégie de l’adversaire prend le dessus, il n’est alors pas rare que la tactique suive, que la position s’effrite progressivement, puis que le château soit pris d’assaut. Partie perdue.

On peut d’ailleurs se demander si l’adage qui nous dit que le dernier qui fait une erreur perd, ne peut pas être étendu. Pourquoi y a-t-il eu erreur ? Oui, 5 coups avant l’abandon, on a perdu une qualité, ou on a laissé un pion s’approcher dangereusement de sa case de promotion. Mais est-ce qu’au départ, si on avait joué une ouverture à peu près correctement sans oublier de mettre son roi en sécurité, si on avait un peu mieux calculé un échange complexe en ne négligeant pas l’importance de la paire de fous, ce ne serait pas cette première erreur commise au 14ème coup (ou au 23ème !) qui nous a compliqué la vie 10 à 15 coups plus tard ? 

Heureusement, parfois, l’adversaire, classé entre 1200-1500 elo (sans doute aussi au dessus, mais de moins en moins fréquemment – à noter qu’à partir du 01/01/2024, il faudra lire de 1520 à 1700, si j’ai bien calculé -) n’est pas infaillible et c’est tout le plaisir des retournements de situation qui s’offre à nous. Savoir être patient, prendre son temps (perdu pour perdu, autant le prendre pour trouver le moins mauvais coup), reprendre les fondamentaux en anticipant les menaces, en donnant de la liberté aux pièces sans activité, et en repérant les faiblesses de l’adversaire. Faire douter… forcer psychologiquement votre opposant qui, pour accélérer la fin de la partie, va lancer une tactique mal calculée ou une attaque sans munition.

Des fois, c’est payant. Mais des fois, l’adversaire est dans un bon jour ou est nettement plus fort que son elo officiel.

Quoi qu’il en soit, ce sera le moment de revoir cette partie, de reconnaitre (sans l’aide d(un moteur d’analyse) les coups imprécis, inutiles, ou catastrophiques. Puis de remonter la partie afin de détecter une menace passée inaperçue. Enfin, cela serait intéressant de lister les catégories d’erreurs. Telles que :

  • Mauvaise anticipation d’une menace (pourquoi ? Manque de temps, pas réfléchi assez longtemps, négligence sur un éventuel sacrifice adverse ?)
  • Négligence sur la réponse de mon adversaire à mon coup (même questions que précédemment)
  • Mauvaise évaluation de ma variante (+,=, – ou peu clair peut suffire ; se dire qu’on est à +0.75 plutôt que +0.47 est probablement illusoire) : défaut de quiescence, problème de visualisation ? Savoir réfléchir a minima sur 1.5 coups, puis sur 2 à 2.5 coups suffit en général sur des suites non forcées.
  • Le bon coup n’a pas été parmi mes coups candidats : il est clair qu’il faut envisager tous les échecs, toutes les captures, toutes les menaces. Ce qui sous-entend qu’il faut bien observer l’échiquier : y a-t-il des alignements particuliers exploitables (clouage, enfilade) ? Des pièces pas ou mal protégées (une pièce protégée par le roi, équilibre entre les défenseurs et les attaquants, une pièce protégée par une pièce de plus haute valeur, une pièce protégée par une pièce clouée, etc.) ? Une de mes pièces est inactive ou pas développée ? Quelle menace ai-je négligée ? (cf ci-dessus)
  • Trop de temps consacré à une position qui n’est pas critique : pourquoi réfléchir 10 minutes sur une position qui donne l’avantage et qui offre au moins deux coups permettant de le conserver ?
  • Quel principe d’ouverture n’a pas été abordé ? Pourquoi suis-je tombé dans le piège de cette ouverture (échecs ? Capture ? Menace ?) ? A quel moment la théorie n’a pas été appliquée ?
  • Et ainsi de suite…

Une fois que tout ça a été travaillé, disséqué, Stockfish va montrer les meilleures options qu’il va falloir comprendre quand il ne s’agit pas d’un coup purement tactique. Se faire aider par un coach, ou un partenaire d’entrainement avec quelques centaines d’elo en plus est certainement bénéfique.

Le diagnostic est donc posé. Des négligences ont été mises en évidence qu’il faudra corriger grâce à des d’exercices adaptés qui seront intégrés dans un programme d’entrainement :

  • Tactique : Woodpecker ? revoir les tactiques de base sur Lichess avec le niveau de difficulté réglé sur -600 (fourchettes, suppression du défenseur, etc.), puis en augmentant la difficulté jusqu’à atteindre un taux de résolution oscillant entre 60 et 70 % ? Schémas de mat (Anastasie, mat du couloir, etc.) ?
  • Processus de réflexion : lors d’une partie d’entrainement, noter les coups candidats et comparer ensuite avec l’analyse. Après analyse par un moteur d’échecs (et sans avoir regardé la solution) si un coup est quantifié d’un ?!, d’un ? ou d’un ??, rechercher toutes les options non envisagées (et leurs variantes), rechercher comment ce mauvais coup aurait pu être puni s’il ne l’a pas été par l’adversaire. Vérifier qu’on n’a pas lancé une attaque sans l’aide de toutes ses pièces. Est-ce que le protocole échec-capture-menace a été mis en œuvre ?
  • Erreur stratégique : s’imprégner des notions d’équilibre matériel, d’activité (utilisation optimale des pièces : mauvais fous, tour sur colonnes ouvertes, cavaliers sur case forte, etc.), d’amélioration d’activité (se battre pour les cases fortes, conserver le contrôle d’une colonne, pousser un pion sur sa case de promotion avec une tour), de structures de pions (structures simples comme l’isolani, les pions passés, les pions pendants, puis après les structures plus complexes avec centre fermé Carlsbad, structure Caro-Kann), et accessoirement la notion d’espace.
  • Partie mal engagée en fin d’ouverture : revoir les tabias (la ligne principale d’une variante) avec Chessbase, comprendre pourquoi un des principes n’a pas été utilisé. Ne pas oublier que même lors d’une ouverture, le calcul et la tactique peuvent s’appliquer !
  • Finale perdue : revoir les bases, encore et encore avec Lichess notamment, au sujet de l’opposition, de la règle du carré, de la théorie avec les positions de Lucena et de Philidor. S’aider du livre de finales de Jeremy Silman.
  • Du mal à rester concentré au bout de 3 heures de jeu : vous savez , le « Allez hop, …, pfff… tant pis, je joue ça, on verra bien… » ! Penser à dormir la nuit, à prendre soin de sa santé, avoir un peu d’activité physique, à se sustenter correctement pendant une partie (le cerveau est un gros consommateur d’énergie).

Ce n’est pas fini ! Pour ne pas retomber dans les mêmes erreurs quelques semaines plus tard : noter les conclusions de tout ça quelque part afin de se rafraichir la mémoire.

Et puis toujours remettre sur le tapis le processus de réflexion, le calcul et la tactique, l’analyse, affiner le programme d’entrainement, participer à des tournois, apprendre/pratiquer/corriger, ne pas se décourager, trouver de l’intérêt autant dans les parties sérieuses que dans l’entrainement, s’abonner aux Échecs sans peine.

Et le rapport avec les cas de dopage ? Les analyses toxicologiques de certains joueurs sont formelles : on a trouvé chez certains d’entre eux de la Concentrine à action immédiate, du Motivex à effet retard, et du Perseveryl à libération prolongée. Tous les joueurs ont été remis en liberté.

A L’ANNÉE PROCHAINE !

!

Attention c’est pas facile
Car l’instrument n’est pas docile
Pour pouvoir y arriver
Faut travailler, travailler
Mais un beau jour t’y arrives

Études sur mesure


Chessbase l’a fait pour vous !

A part sa boutique en ligne et quelques articles qui orientent vers l’achat d’un de leurs produits, Chessbase propose quelques modules intéressants.

Leur bibliothèque d’ouvertures, bien sûr avec ses 8 millions de parties (on y trouve d’ailleurs des différences avec celle de Lichess). Évidemment l’exploitation complète est réservées aux souscripteurs, mais la version gratuite est assez complète à condition de s’inscrire (gratuit).

Il existe aussi un module tactique

Et enfin, des études de fin de partie modulables : vous choisissez les pièces que vous désirez voir sur l’échiquier et Chessbase donne une liste de positions à résoudre pour le plaisir, ou avec un système de notation.

La pensée du jour


Ce qu’il y a de terrible lors d’un exercice de finale, c’est qu’on a un seul coup pour gagner, alors que l’adversaire a de multiples opportunités de garder son avantage lors de sa réponse.

Joueur anonyme du XXI siècle

Concentration.


« Se concentrer n’est pas regarder fixement quelque chose, ni essayer de se concentrer !« 

Dire à quelqu’un : « Tu dois te concentrer !« , n’aboutit à rien. Ce n’est pas comme si on actionnait un bouton marche/arrêt. Et le meilleure façon de le faire en dehors d’une partie, est de s’entrainer avant.

D’abord s’équiper d’un chronomètre. ensuite, se créer une base de données « Positions d’entrainement » avec des positions intéressantes, curieuses, problématiques. Mais pas nécessairement difficiles. Piocher dans TWIC par exemple. Pourquoi pas nos parties, mais surtout des parties commentées car il faudra comparer vos idées avec la réalité. en fait, il faut repérer le moment ou cela bascule, ou celle dans lesquelles on a l’impression qu’un camp est meilleur alors qu’il perd la partie.

Puis, réfléchir à la position pendant 20 minutes (ou moins, l’essentiel est de s’y tenir strictement). Puis comparer le coup choisi avec la vraie partie ou l’ordinateur. Au début, les résultats seront décevants. Mais progressivement vous comprendrez vos lacunes et vous finirez  par analyser de plus en plus finement.

Il s’agira surtout de prendre l’habitude de s’assoir devant un échiquier, poser les pièces, réfléchir, donner sa solution et de la comparer avec la  source. Certes, on aura surtout l’impression de ne rien apprendre, mais le but est d’acquérir des compétences et non pas des connaissances. 20mn de ce genre d’exercice est tout aussi profitable qu’une partie d’une heure.

d’après « Chess for Zebras » (Jonathan Rawson)

Cela ressemble assez à la méthode Stoyko mise  en avant par Dan Heisman. Jonathan reste assez flou sur les détails. Notamment quand il précise que les positions peuvent être issues de The Week in Chess, alors qu’elles n’y sont pas commentées. Le bénéfice devrait se faire sentir sur le long terme. L’assimilation de connaissances stratégiques devrait aider quant à la compréhension du coup idéal joué ou recommandé. Jonathan précise bien, à la fin de son chapitre dédié à la concentration, que pour être précis, il faut surtout être très attentif sur les intentions de l’adversaire (et comme il l’analyse aussi dans ce chapitre : il faut surtout analyser 1 coup plus loin que son adversaire !)

Devenir un meilleur joueur (2)


Si vous voulez devenir un meilleur joueur, vous devez avoir de meilleures habitudes, grâce à l’entrainement. Le meilleur entraînement est celui qui vous pousse aux limites de votre zone de confort, celle où vous vous forcez à assumer la responsabilité de décisions difficiles. Il est tellement plus facile de lire des livres qui donnent des orientations stratégiques, des conseils et des astuces. Mais ce dont vous avez besoin, c’est de « savoir-faire », c’est-à-dire d’apprendre par la pratique. La meilleure façon de cultiver de meilleures habitudes est de les construire sur la base de vos habitudes existantes et d’examiner de près vos lacunes. Vous constaterez que la plupart des erreurs ne sont pas dues à l’ignorance, mais au fait de ne pas voir les choses ou de ne pas les faire. Vous pouvez y travailler en jouant et en analysant ensuite vos parties honnêtement, en résolvant des problèmes d’échecs complexes ou en essayant de gagner des positions gagnantes face à des moteurs d’analyse puissants. Je pense même que vous pouvez développer vos compétences grâce à une utilisation intelligente des parties de blitz – où vous n’analysez pas les positions en profondeur, mais comparez vos intuitions avec la façon dont la partie se développe. Avec ces approches, vous n’acquérez pas de nouvelles « connaissances », vous pourriez donc avoir l’impression de ne pas progresser en tant que joueur. Cependant, si les arguments présentés dans ce chapitre vous paraissent logiques, et si vous pouvez faire confiance à ce type de processus de formation, je pense que vous constaterez que votre niveau de compétence s’améliore, et avec lui, vos résultats.

Rowson, Jonathan. Chess for Zebras. Gambit Publications.

(déjà publié, mais WordPress a décidé de mettre en place un système rigide censé améliorer la publication des articles, mais qui finalement la complique. Il devient très difficile de corriger ensuite une erreur, une faute d’orthographe, sans avoir à tout refaire.)